1924 ‑ 2004
Dans le Paris des années 1950, autour de critiques, du comité "du salon de mai" de la Galerie de France et de la galerie Ariel, Gillet s'est constitué un groupe d'amis peintres ou sculpteurs qui vivent tous à Paris. En 1964 Gillet part à Saint-Malo puis à Sens en 1970. Dans les années 60 Messagier s' installe à Colombier Fontaine, Rebeyrolle à Courteron, Bitran se partage entre Paris et Rigny le Ferron , Maryan part à New York … Alechinsky, Marfaing et Mihailovitch restent les plus "Parisiens" . Désormais les rencontres se font à l'occasion de fêtes chez les uns ou les autres ou lors de vernissages. Le voyage à Cuba du salon de mai en 1967 avec la peinture d'une fresque murale fût, pour ceux qui y participèrent, un très grand souvenir. Quand ils se retrouvent Ils ne débattent pas de théorie, ne tranchent pas entre abstraction et figuration, c'est l'humour qui les rassemble et une même vision de leur " métier" de peintre ou de sculpteur qui les passionne.
Les portraits de Gillet dans "la revue xx°siècle"
Dans le N° 12 (mai-juin 1959) de la revue du XX siècle , "Psychologie de la technique", Jean Grenier présente Gillet sous le titre "Gillet trait pour trait" et demande à ses amis Camille Bryen , Guillaume Corneille , Pierre Alechinsky d'écrire quelques lignes. Pinchas Maryan, Jean Messagier et André Marfaing s'expriment par un dessin qu'ils réalisent ensemble.
Peintre qui mit à l’honneur le pain de Dieppe, sorte de miche grossièrement imitée par les Flamands. Sa collection de croûtons fut célèbre en son temps. D’un voyage en Hainaut il rapporta un mémoire sur la décomposition de la lumière à travers un prisme de pain bis. Tout laisse supposer que vers 1830 un faux belge lui proposa une place de grand boulanger à l’Académie de Montbéliart, -berceau de la Pensée Bûl, cette « couque de l’esprit ». Aura-t-il décliné l’offre parce qu’il préférait à la sécurité la poursuite solitaire et parisienne de ses peintures d’épice et de munition ? Ses voisins de quartier, rue de Bruxelles, lui élevèrent une fort belle statue en mie laquée qui fait aujourd’hui encore l’admiration des peuples. Selon P. Bury, il est également l’auteur d’une phrase qu’on attribua longtemps à Bernardin de Saint-Pierre : « Nous venions de temps en temps, dans la belle saison, ma femme et moi, manger le soir une côtelette. » Figure emblématique : sur cette terre d’ombre, « Ne va pas sans mie, qui s’en peindre. » Caresser le gillet : se dit de la lecture d’une œuvre peinte à l’usage des aveugles, qui a trait à la compréhension d’une texture picturale. Avoir du gillet : posséder une belle pâte, exemple : cette peinture a du gillet ; populaire : ce pain a du gillet, est réussi.
Texte de Pierre Alechinksy repris dans le catalogue de l’exposition de R.E. Gillet à la galerie de France en 1961.
Gillet ‑ Doucet une complicité :
Gillet et Doucet se sont connus dans les années 50 à Saint Germain-des-prés, puis ils ont exposé tous les deux à la galerie Ariel mais c’est surtout pendant les vacances d’été à Saint Malo à la fin des années 60 qu’ils se sont beaucoup côtoyés et livrés à quelques expériences (comme le tableau à quatre mains) où les « Pétrifications » qu’évoquent André Doucet dans le texte ci dessous.
GILLET ‑ DOUCET
DOUCET ‑ GILLET
Deux fleurons de la galerie Ariel,
Bien que de caractère différent, ils s’entendaient à merveille. L’humour de l’un nourrissait l’humour de l’autre. Ils se voyaient le plus souvent en Bretagne où Gillet possédait une maison à Saint Ideuc près de Saint–Malo, tandis que Doucet, moi même et nos enfants passions le mois de juillet dans une bourgade toute proche. Gillet et Doucet écumaient ensemble les « brocs » de la région. Le premier recherchait meubles, objets …tandis que le second achetait des petits cadres anciens pour y composer ses collages de la période « Jacques Doucet le collagiste ». Un jour Gillet s’était amusé à enfermer des petits objets dans de l’ambrex, ce qui donna à Doucet l’idée de réaliser ses « Pétrifications », composant ses papiers collés et objets de rebus dans cette matière résineuse. Le grand amusement de Gillet était de nous balader dans la campagne pour nous montrer de belles maisons anciennes qu’il aimerait acheter. Seulement nous ne pouvions les voir que de loin, ces maisons n’étant pas à vendre, sauf dans les rêves de Gillet.
Andrée Doucet juillet 2015
André Marfaing une amitié interrompue trop tôt :
Une amitié, une complicité les ont liés des années 50 jusqu'à la mort de Marfaing en 1987. Ils exposaient tous les deux à la galerie Ariel mais la forte connivence entre Chantal Marfaing et Thérèse Gillet avait créé un vrai lien entre les deux familles : Des femmes indépendantes qui avaient le même gout de la fête et des enfants du même âge … Au premier regard leur peinture peut sembler s’opposer et pourtant mis côte à côte les tableaux résonnent avec beaucoup de force probablement les mêmes interrogations, les mêmes convictions exprimées très différemment sur la toile mais avec le même humour dans la vie.
Paul Rebeyrolle Gillet : De Paris à Cuba mais aussi Sens et Courteron
Ils ont exposés ensemble à la documenta II de Cassel en 1959 puis en 1964 à la galerie Ariel ou Jean Pollak les a présentés dans l’exposition «15 peintres de ma génération». Mais c’est chaque année au comité du « salon de mai » à partir de 62 qu’ils ont partagé des moments forts dont le voyage des artistes de ce salon à Cuba en 1967 avec la réalisation d’une grande fresque murale. Papou et Paul sont venus chez les Gillet en Bretagne mais plus souvent dans les années 70 à Sens qui était proche de Courteron dans l’Aube ou vivaient Paul et Papou avant de d’installer à Boudreville en Côte d’or. L’humain est leur sujet et depuis leur disparition c’est dans des expositions qu’ils se retrouvent : Robert Rocca les a réunis pour « Humanités », exposition inaugurale de l’Abbaye d’Auberive en 2006, la galerie Polad Hardouin en 2008 pour « la nouvelle figuration acte III », ou « 4 maîtres de la peinture expressionnistes du xx°: Gillet, Rebeyrolle, Music, Rustin » au Lazaret Ollandini à Ajaccio en 2011
Pour en savoir plus :
https://www.polad-hardouin.com/exposition/nouvelle-figuration-acte-iii
https://cubacoop.org/IMG/pdf/Gheerbrant.pdf
https://www.espace-rebeyrolle.com
Maryan, ami de Gillet a exposé en 2013 à l'abbaye d'Auberive, et au musée d'art et d'histoire du Judaisme
Gillet et Maryan se sont connus à la Galerie de France à la fin des années 50 ils sont devenus très proches et y ont exposés ensemble en 1958 (Gillet‑Levée‑Maryan). Après le départ aux Etats unis de Maryan ils ne se sont revus qu'épisodiquement sauf cet été de 1976 ou Maryan a séjourné quelques semaines dans la maison de Thérèse et R.E. Gillet à Maillot prés de Sens dans l'Yonne. Maryan y a préparé le catalogue de son exposition à la galerie Ariel de Jean Pollack et Jan Nieuwenhuizen Segaar (galerie Nova Spectra de La Haye) est venu choisir quelques œuvres. (Photo ci dessous)
En 1988 Thérèse Gillet évoque, à la demande de Fanny Guillon‑Lafaille, le souvenir de cet été de 1976. Ce texte a été repris dans le catalogue, "Maryan Ricol ; la loi du cadre" Lors de l'exposition de l'abbaye d'Auberive de l'été 2013.
Texte de Thérèse Gillet à propos de Maryan dans la rubrique textes
Gillet et Messagier : des hommes fidèles à leurs origines terriennes de l'Est de la France
Gillet et Messagier étaient proches : ils se sont connus dans l’effervescence des galeries parisiennes des années 50 et probablement autour de Charles Estienne et du Salon d’Octobre à la galerie Craven en 1952 et 1953.
En 1959 Maryan, Messagier et Marfaing réalisent, à la demande de Jean Grenier, un portrait de Gillet à « 6 mains » pour la
Revue du XX° siècle (n°12 de mai 1959).
En 1960 Messagier et Gillet sont ensemble au comité du Salon de Mai avec lequel, en 1967, ils vont à Cuba. Un temps Messagier est à la Galerie Ariel de Jean Pollak ou Gillet est resté 50 ans....
Quand ils habitent Paris les 2 familles se côtoient, ensuite Gillet part en Bretagne en 1964, puis à Sens en 1970, mais il est là pour l’inauguration du moulin de Lougres et y passera souvent avant d’aller chez ses parents dans les Vosges, les 4 enfants de Thérèse et Gillet gardent de beaux souvenirs de ces visites et de l’ambiance de ce moulin où la rivière coule sous la cuisine.
En 1974 Chantal Marfaing fait des photos à Sens pour les 50 ans de Gillet et Pollak .... ,à cette occasion une bande d’amis était réunie (Alechinsky , Lindström, Marfaing, Messagier, ....... ) cette bande ne se voulait d’aucune école, la peinture était leur métier, ils l’aimaient et avaient en commun l’humour et une grande admiration les « grands maitres ». Cette Alchimie engendrait du respect pour les recherches des uns et des autres.
Gillet et Messagier ont échangé des œuvres, leur peinture est très différente mais ils ont en commun une grande sensibilité et l’humour. Gillet, par ses origines vosgiennes, et son goût des mots appécie l’univers poétique de Messagier et sa proximimité avec la nature. Réciproquement Messagier comprend le regard tendre et cynique de Gillet sur l’humanité. Tous deux prefèrent les fêtes de copains aux mondanités, aiment peindre dans la solitude de l’atelier et parfois y prendre des risques.
Lettres et dédicaces
Mon très cher Gillet,
Il m’est difficile de dire à quel point j’ai été heureux de vous voir Thérèse et toi dans l’atelier. Ce ne sont pas des retrouvailles car nous n’avons plus le temps (ni l’envie) de nous perdre. Te connaissant avec affection il m’a semblé te sentir inquiet. Il faut pourtant continuer à fond ta belle peinture et ne pas t’angoisser hors saison. J’ai vu l’autre jour des reproductions de Derain. On lui a souvent reproché son approche classique d’après le fauvisme et la période Cézannienne. Ces œuvres m’ont paru superbes et son mérite est d’avoir posé la question. Je t’engage à continuer dans ta manière à dire ce que nous sommes et à « peindre » ce qui nous entoure. C’est là ton affaire. C’est suffisant et magnifique.
Fraternellement,
Bitran.
Crédit photos :
Denise Colomb, John Craven, Pierre Espagne, Isabelle Estier Gillet, Daniel Franck, Guigon, Chantal Marfaing, Pierre Pitrou, Henk Vandervet