Roger‑Edgar Gillet
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article Georges Boudaille, L'œil, octobre 1974

R.E. GILLET
par Georges Boudaille


De Goya à Bacon (Francis), l’expressionnisme vit et se développe et fait preuve d’une extraordinaire santé. Gillet participe à cette vitalité dans le genre satirique. Cela tient à son esprit de contradiction. Pour lui qui est pourri de culture, sa peinture est une revanche de l’homme contre/sur l’art. Il a dit non à la belle peinture mais il n’a pas renoncé au plaisir de peindre et même de faire de la bonne peinture. Mais c’est aussi, et peut-être avant tout pour lui, le seul moyen dont il dispose de montrer ce qu’il pense.


« Déjà visibles - encore que sans ostentation - dans quelques-unes des oeuvres des jeunes peintres français, les tendances expressives ne tarderont pas, après les expériences révolutionnaires du début, à s’orienter résolument vers une esthétique de l’image. »


Ces lignes anonymes figurent en tête du catalogue de l’exposition de l’expressionnisme européen qui s’est tenue à Munich et à Paris. Alors qu’elles ont étés écrites en pensant aux artistes du début du siècle, elles pourraient s’appliquer au cas de Gillet.


La peinture de Gillet est-elle expressionniste ou ne l’est-elle pas ? Le problème est académique. Il n’en demeure pas moins que ses oeuvres s’apparentent à un grand mouvement qui, depuis ses origines, traverse l’histoire de l’art, y participe sans s’y mêler toujours, mais en y apportant vie et dynamisme, à la manière dont le Rhône traverse le lac Léman.

Le même auteur poursuit :

« La grande difficulté pour définir l’expressionnisme sur le plan de l’art plastique réside essentiellement dans le fait qu’une classification précise de ses catégories formelles s’avère pratiquement impossible… Il existe en premier lieu sous forme de sentiment de la vie, d’insertion de l’homme dans certains états d’âme, mais non en tant que problème formel se posant dans la conquête de lois nouvelles de l’image. Si d’une part, cet état de choses rend plus difficile l’insertion, de l’autre, la réaction individuelle de l’artiste y gagne en liberté, car les frontières sont assez floues. »

Remarque applicable intégralement à Gillet.

L’aventure de Gillet a commencé tôt, en 1951 exactement avec la rencontre de Pierre Loeb, le marchand de la rue de Seine, de Michel Tapié, le critique non conformiste d’alors, de Paul Facchetti, un marchand pas comme les autres lui non plus, et de Charles Estienne. Gillet, né en 1924, avait vingt-sept ans. Il avait une formation essentiellement technique (l’Ecole Boulle) appliquée au sens concret (l’Ecole des arts décoratifs), et un actif de professeur à l’Académie Julian. La reconnaissance que Gillet conserve, au-delà des années, à Michel Tapié m’étonne un peu. Il faut dire que Tapié s’intéressa à lui, avec son flair exceptionnel, lui donna confiance, le fit en 1953 exposer à Lille et en 1954 à Bruxelles dans le groupe des « Signifiants de l’Informel », qu’il lui fit une place flatteuse dans son ouvrage « Un art autre ».


Signifiant certes, et aujourd’hui plus que jamais, mais jamais Gillet ne fut totalement informel comme quelques autres le sont restés.

La première période de Gillet, qui s’étend sur la décade des années cinquante, est faite de beauté, d’ordre et d’harmonie. Ce sont des compositions bien orchestrées, le Clavecin bien tempéré de la

peinture, des accords de couleurs un peu sourds où des stridences éclatent comme des cuivres. Des contrastes noir-blanc-rouge, il évolue vers la monochromie, des sortes de camaïeux que je qualifierai de chatoyants même si cela sonne antinomique, car ils contiennent et ne dissimulent qu’incomplètement des sonorités puissantes. D’où l’impressions de force contenue. Dans des gammes d’ocres, de bruns profonds comme des bois d’essences exotiques, de vieux roses, Gillet déploie la somptuosité de sa matière picturale.


Avec les années, de 1951 à 1960, il évolue de compositions libres, d’inspiration peut-être paysagiste, à des organisations plus strictes, parfois artificielles qui suggèrent à Jean Grenier des armoiries ou des culs-de-lampe, des faisceaux d’armes entourant un blason. Mais on pouvait aussi parfois y voir des accouplements d’insectes inquiétants qui annonçaient une nouvelle période. Gillet créa une peinture abstraite poétique et classique à sa manière, bien française, en mettant au service de la non-figuration les moyens de la peinture traditionnelle. On peut dire sans exagération qu’il atteignit en 1961 à une sorte de perfection qu’il était difficile de dépasser.

Curieusement, depuis trois ans déjà, Gillet avait commencé parallèlement à travailler dans un style autre, faisant place à une libre interprétation du visible et qui devait aboutir à sa vision actuelle. Sans aucun sens de l’opportunité, Gillet choisit pour montrer ses nouvelles recherches le moment où le marché de l’art est en pleine crise. II déconcerte. Critiques et marchands clament que l’art abstrait est mort, indiquent l’avènement d’une « nouvelle figuration ». Tout leur est bon pour brûler ce qu’ils ont adoré. Paris découvre tardivement Francis Bacon et tente d’annexer le nouveau Gillet. Ces chevauchements de manières sont fréquents dans l’oeuvre des plus grands peintres, chez Picasso comme Gillet qui depuis longtemps souffrait de se sentir enfermé dans une esthétique où il ne parvenait plus à évoluer, où il ne trouvait pas d’issue. Il voulait depuis longtemps parler un langage plus direct, dire ses obsessions, l’absurdité du monde.


Ses premières figures comme ses « Saint Thomas » ont des allures de larves, de monstres jaillis d’un univers fantômal. Il les nomme parfois « figure voilée » parce qu’elles se voilent sous le coup de brosse, ce qui leur donne des airs de femmes arabes.

Dix ans sont passés. Gillet est devenu un peintre autre. De sa première période, il a gardé la somptuosité de la matière, la maîtrise technique, la palette assourdie. Il peint des personnages, il raconte des histoires et, pour un peu, il ferait de la peinture historique, tant sa facture est muséographique. C’est volontaire.


Quand Gillet parle :

Sa conversation ressemble à ses tableaux, elle est toute en allusions, il aime les analogies, les fausses ressemblances, les mots, le calembour le plus détestable, dont il se rit lui-même.

Les titres de ses tableaux sont à double sens. Il pourrait comme son ami Alechinsky les mettre bout à bout pour composer un poème insolite.


Peintre qui mit à l’honneur le pain de Dieppe, sorte de miche grossièrement imitée par les Flamands. Sa collection de croûtons fut célèbre en son temps. D’un voyage en Hainaut il rapporta un mémoire sur la décomposition de la lumière à travers un prisme de pain bis. Tout laisse supposer que vers 1830 un faux Belge lui proposa une place de grand boulanger à l’Académie de Montbliart - berceau de cela Pensée Bûl, cette « couque de l’esprit ». Aura-t-il décliné l’offre parce qu’il préférait à la sécurité la poursuite solitaire et parisienne de ses peintures d’épice et de munition ? Ses voisins de quartier, rue de Bruxelles, lui élevèrent une fort belle statue en mie laquée qui fait aujourd’hui encore l’admiration des peuples. Selon P. Bury, il est également l’auteur d’une phrase qu’on attribua longtemps à Bernardin de Saint-Pierre : « Nous venions de temps en temps, dans la belle saison, ma femme et moi, manger le soir une côtelette. » Figure emblématique : sur terre d’ombre, « ne va pas sans mie, qui peut s’en peindre ». Caresser le gillet : se dit de la lecture d’une oeuvre peinte à l’usage des aveugles, qui a trait à la compréhension d’une texture picturale. Avoir du gillet : posséder une belle pâte, exemple : cette peinture a du gillet ; populaire : ce pain a du gillet, est réussi.

Pierre Alechinsky
(extrait du catalogue « Gillet » pour son exposition à la Galerie de France en janvier‑février 1961.)


Ses titres sont trompeurs. Ils sont surajoutés. Quand il peint, une figure apparaît au bout de son pinceau, elle exprime son angoisse, celle du peintre et celle du personnage. La figure dresse les bras en l’air comme quelqu’un qui se noie, qui crie au secours (comparer avec le célèbre « Cri » de Munch). Parce que sa figure a les bras en V, parce que de Gaulle est au pouvoir, Gillet intitule son tableau « Je vous ai compris ».


L’amateur qui se laisse guider par le titre fait fausse route. Il voit une satire politique, un engagement, une caricature. Gillet aurait pu peindre le même tableau à une autre époque, il lui aurait donné un autre titre. Son art n’est pas lié à l’actualité. Il montre son angoisse devant l’absurdité de notre temps.

Quand Gillet parle, sa logique intransigeante mène à l’absurde. Il traîne toujours sous ses propos un relent de provocation. Aujourd’hui, en art, constate-t-il, on peut faire n’importe quoi, la liberté est totale, et reprenant le mot de Zazie, il rêve de… ne pas participer au système.

Parce qu’il constate que son personnage a vaguement l’allure d’un grand d’Espagne, il l’appelle « Bourreau d’Infants ». Il faut s’essuyer soi-même les pieds sur son tableau.

D’où Gillet tire-t-il son inspiration ? du spectacle actuel. Demandons-lui plutôt ce qu’il aime, ce qui l’amuse, ce qui le fascine. Le « Satyricon » de Fellini, c’est évident, mais aussi certaines apparitions d’images fugitives ou insistantes à la télévision, le reportage sur le voyage de Georges Pompidou en Chine, la retransmission en direct par une caméra bloquée d’une file de voitures arrêtées dans une impasse pendant qu’un terroriste se barricade avec ses otages dans une ambassade parisienne, et puis, régulièrement, l’apparition des candidats avant chaque élection. La télévision devient pour lui une sorte de guignol dans lequel apparaissent les acteurs de l’actualité. C’est la vie et ses contradictions que nous retrouvons dans ses tableaux.


Gillet veut inquiéter. Il y réussit trop bien. L’horreur devient parfois intolérable.

Les « Epousailles des nains », une sorte de chef-d’oeuvre en quatre panneaux géants de trois mètres sur deux, constituent une fresque acide. Le point de départ était maigre, une anecdote : jeune et travaillant dans un cirque, il assista à une énorme partouze une nuit sous la tente. Mais la vérité n’est qu’un point de départ autour duquel viennent se greffer mille autres expériences.

Lorsqu’il peint une suite de toiles montrant des personnages informes dans des postures grotesques, lorsqu’il leur donne le nom de « Jeux olympiques des handicapés physiques », l’humour devient grinçant, surtout lorsque l’on sait que Gillet fut lui-même atteint de la poliomyélite. Sa peinture, comme toute oeuvre dans laquelle le créateur se met lui-même, devient autobiographique. Et l’on n’ose plus sourire.


Gillet et l’architecture :

Gillet est essentiellement un peintre de figure, mais il s’aventure parfois dans le domaine de la nature morte ou dans la voie du paysage. Ses paysages sont toujours des paysages construits, des vues de constructions nées de la main de l’homme et il y poursuit avec une sorte de rage lucide la satire de notre société, la dénonciation de l’absurdité de notre civilisation. Voici les grands mots lâchés.

Gillet en a horreur. Il aime une vie calme, la réflexion et le travail dans la chaude atmosphère d’affection que depuis toujours sa femme Thérèse a su entretenir autour de lui. Il a longtemps vécu dans une vieille maison de corsaire à Saint-Malo. Depuis quatre ans, il lui a préféré un moulin de l’Yonne paisible et isolé que Thérèse a entièrement restauré et aménagé, mettant en valeur les reflets sombres du bois de meubles anciens. Il fuit Paris qu’il supporte mal. Ceci explique cela. Dans une suite de toiles dont la plus célèbre est « Béton-les-Gruyères », il semble s’abandonner à une sorte de délire visionnaire où se mêlent les réminiscences de Gaudi et du Facteur Cheval, mais en fait, c’est le béton d’Auguste Perret qui est la cible de Gillet.

Dans tous les cas l’image et la peinture se recouvrent étroitement jusqu’à se confondre. L’image que nous voyons et interprétons naît simultanément de la faculté d’imagination -au sens propre- et de l’étalement d’une matière chargée de pigments sur une surface. Et la peinture n’est pas un médium passif ; elle existe, elle se défend, elle proteste, elle modifie l’image en train de naître en fonction de ses propres exigences, elle est l’auteur du tableau à part égale avec l’inspiration du peintre.


Mais que recherche R.E. Gillet


Ce que veut Gillet, il refuse de le dire. C’est contraire à ses principes, c’est à nous de le deviner à travers son oeuvre. Ce qu’il ne veut pas, il le sait très bien au contraire.

Au moment de son grand tournant dans les années 60/63, il y a déjà quinze ans, il prit soudain peur de la réussite, une réussite qui venait trop tôt à son gré, et le condamnait à une vieillesse précoce. Il a voulu se garder encore quinze ans de jeunesse en se psychanalysant lui-même à travers l’exercice de la peinture. Permanente chez lui, la peur de perdre la liberté le pousse à combattre sans cesse pour la sauvegarder. Est-ce une attitude contestataire ? Est-ce être contestataire que de tout remettre en cause y compris soi-même ? Est-ce être contestataire que de poser des problèmes auxquels on ne peut donner de réponse ? Gillet s’affirme simplement contre tout et plus particulièrement contre tout engagement. Mais que veut dire ce mot ?

Gillet ne veut pas être classé, étiqueté, épinglé dans les catalogues, les histoires de l’art, les traités d’esthétiques. Pour lui, la liberté, c’est de pouvoir exposer aussi bien aux Galeries Lafayette qu’ailleurs. Ce qu’il veut éviter, c’est de donner une idée juste, précise, définitive de lui-même ou de son travail. D’où ses titres humoristiques et déconcertants. Comme il dit, l’image qui étonne, détonne aussi. Et à relire les notes que j’ai jetées sur le papier en bavardant avec lui, je me demande si ses images détonnent parce qu’elles ne sont pas dans le ton -le bon- ou parce qu’elles sont explosives.

Oui, il l’avoue, les titres sont là pour brouiller les pistes, égarer le spectateur, ce sont des « modes de non-emploi ».


Pour comprendre Gillet, mieux vaut regarder sa peinture. Ceux qui ont parlé de retour à un réalisme se sont fourvoyés. L’espoir de voir en Gillet un exemple justifiant leurs théories les rend aveugles. La peinture de Gillet existe en soi, en tant que peinture, en tant qu’oeuvre. Sans doute la liberté qu’il chérit tant réside moins dans le droit d’exprimer ses idées les plus folles que dans le droit de faire la peinture qu’il aime.

Cette idée, il l’exprime à sa manière : après avoir disserté des Flamands, de Rembrandt, de « La Ronde de nuit », il s’exclame : Ce que j’aimerais peindre, c’est le Conseil des ministres. Et il ajoute : si mon tableau est acheté par l’Etat, c’est qu’il est mauvais ; si on m’envoie en tôle, j’ai gagné, le tableau est bon ! Mais la famille régnante espagnole achetait ses portraits par Goya ! Etait-ce par bêtise ou par libéralisme ?

Gillet ne se fait pas d’illusion sur la possibilité de figurer. Les seuls qui peuvent y parvenir ? Les photographes et les « hyperréalistes » qui travaillent d’après photo.

C’est la peinture qui pèse le plus lourd et qui nous mène. Nous sommes « pourris de culture » et l’oeuvre de Gillet livre sans fausse honte ses références. Il ne lui déplaît pas de travailler pour les musées. Il aime Gustave Moreau plus que d’autres qui peuvent lui sembler plus proches. Il ne renie pas James Ensor. Par ses origines familiales, il est cousin des Flamands. Il ne lui déplaît pas de faire des tableaux qui fassent rire. Il adore la moquerie et l’humour des mots. Avez-vous lu les inscriptions sur les banderoles et les pancartes de l’ « Entrée du Christ à Bruxelles » ? Plus tard : « Goya a pris la guerre trop au tragique. » Un pas de plus : « Qu’est-ce qui est le plus important,« Guernica » ou le fer à repasser de Man Ray ? », « Et pourquoi « L’Angelus » de Millet eut-il le destin que l’on sait ? »


Revenons à la peinture de Gillet

Prenons pour exemple ce polyptyque géant que sont « Les Epousailles des Nains ». Une appréciation globale de l’oeuvre n’est possible qu’à travers une lecture à plusieurs degrés. J’hésite à attribuer un ordre, donc un hiérarchie, à ces divers degrés de lecture. Pour les uns, ce sera le sujet, ce fourmillement de personnages difformes, inquiétants, alignés, serrés, entassés qui se pressent autour des protagonistes. Ce n’est ni « Le Sacre de Napoléon » par David, ni « Le Radeau de la Méduse » de Géricault, mais cela tient des deux, autant que de James Ensor. Et puis l’enchaînement d’une action sur laquelle personne ne peut se mettre en accord. Enfin certains détails croustillants comme cette miche imitée des Flamands dont parle Pierre Alechinsky.


Si le premier degré de lecture est celui du sujet, le deuxième est celui de la peinture. Il y a cette pâte qui lève si bien comme celle du pain de Dieppe (cf. P.A.), il y a la répartition des zones d’ombre et de lumière qui engendre une composition souple et mouvante comme une houle venant se briser sur les falaises de Dieppe où l’on fait ce pain dont nous avons parlé. Il y a le dessin dont le trait épouse le rythme de la houle sans jamais s’en éloigner même pour cerner un détail un peu cru. Bref, une peinture pure, spécifique, à la fois informelle et expressive dont Gillet a le secret.

On peut se demander après tout si ces deux premiers degrés de lecture, sujet-pâte colorée, n’en font pas qu’un seul. Le deuxième degré intervient en fonction de notre éducation, de notre culture et de celle du peintre. Si appliqué qu’il semble, il ne se prend pas tout à fait au sérieux. Il y a des clins d’yeux qui passent à travers l’épaisseur de la pâte. Ils prennent la forme de réminiscences, d’allusions conscientes à d’autres oeuvres, à d’autres faits. Gillet a visité les musées, admiré les chefs d’oeuvre. Il nous suggère : vous voyez que je peux faire aussi bien, je le pourrais si je le voulais. Mais il ne le veut pas. Son oeuvre deviendrait autre. Il veut qu’elle demeure ce qu’elle est, ce qu’il en a fait, un carnaval, une piste où se rencontrent, se mêlent ou s’opposent tant d’idées divergentes que nous avons parfois du mal à les dénombrer.

Il en va des personnages comme de la peinture. Gillet prend son bien où il le trouve en choisissant ce qui lui sert et aussi ce qui l’amuse. Il ne s’intéresse pas plus que nous à la vie sexuelle et sentimentale des nains. Tout chez lui, sur le plan de la peinture comme sur celui du sujet, est métaphore. A nous de savoir le déchiffrer.


Des tableaux moins complexes sont d’une lecture plus facile, comme les portraits. Mais, attention ! Ici encore certains éléments du décor jouent un rôle déterminant et viennent transformer la portée de l’image centrale.


Gillet n’est ni Goya ni Ensor pas plus que Manet et Carolus-Duran. Il les contient tous à la fois pour être Gillet soi-même, c’est-à-dire un peintre du XXe siècle qui semble parfois se moquer de nous, son public, tout en fabriquant avec amour son musée personnel, un musée où tout l’art du monde a sa place mais qui ne ressemble à aucun autre.


BOUDAILLE Georges, « R.E. GILLET »
dans L’Oeil, n° 231, octobre 1974, p. 20   25 et p. 74