R.E.Gillet
En trente ans d’activité picturale, Roger‑Edgar Gillet a fait évoluer fort diversement les modalités de sa participation au paysage de la création contemporaine. Plongé très tôt, dans le climat d’une abstraction traversée de passions contradictoires, il vécut en compagnie de Michel Tapié et Charles Estienne l’effervescence des débats et polémiques que suscitaient leurs expositions – manifestes, soucieuses de redéfinir les concepts de la peinture occidentale.
En faisant son entrée sur la scène artistique sous les couleurs d’un art informel tout à la fois marqué par le souvenir du Surréalisme et par les références aux mythologies bachelardiennes, il allait découvrir les vertus d’une expression indifférente aux similitudes stylistiques, mais entièrement préoccupée de dérives poétiques quand celles-ci ont pour fonction de permettre une expérience existentielle totale de la peinture.
A cette école, Gillet gagnera un sens profond de la liberté expressive qui ne l’a jamais quitté. En choisissant à contre-courant, au tout début des années 60, de faire retour à une figuration essentiellement subjective posant les formes comme des nébuleuses incertaines, il s’éloignera volontairement des tendances alors majoritaires de la création contemporaine. Son détachement de toute conviction dogmatique, son indifférence aux stratégies collectives, l’ont ainsi conduit à élaborer en marge des modes éphémères une œuvre personnelle où les formes bien que nourries de véhémences expressives ne sauraient se confondre avec les enjeux d’un expressionnisme attisant la part maudite de notre conscience au monde. La cruauté présente dans son écriture ne se sépare jamais de l’ironie, et les trajectoires du rêve y pactisent fréquemment avec l’humour le plus noir.
En dépit de son isolement sur la scène parisienne, l’œuvre de Gillet a éveillé de nombreuses curiosités qui lui firent régulièrement franchir les frontières de l’hexagone. Ce qui explique qu’une grande partie des œuvres réunies pour cette manifestation proviennent de collections essentiellement étrangères. Qu’il me soit permis de remercier tous les prêteurs qui avec conviction et générosité ont contribué à son élaboration.
Gérald Gassiot‑Talabot
Directeur adjoint du Centre National des Arts Plastiques.